Ahmed Arif (1927-1991)
Biographie
Si nous devions comparer Nazım Hikmet et Ahmed Arif, nous dirions que le premier est le poète de la ville alors que le second est celui des montagnes. Le premier est civilisé, militant, le second sauvage, secret. Nazım Hikmet possède un chant ample, un lyrisme assumé, Ahmed Arif a la parole ramassée, tendue. Mais leur deux voix portent au-delà de la Turquie, universelles par leur engagement auprès des déshérités et par une même foi en l’homme. Nazım Hikmet et Ahmed Arfi ont aussi un destin semblable dans leur expérience de la prison et de la censure, et ils ont tous deux un e haute idée du rôle du poete et de sa place dans la société : « Pas de mensonge, ma parole est parole d’homme ». Enfin, après Nazım Hikmet, Ahmed Arif est le poète le plus lu en Turquie.
Ahmed Arif est né le 27 Avril 1927 à Diyarbakır, une ville à l’est de la Turquie, a la population hétérogène composée surtout de Kurdes, mais aussi d’Arabes et de Zazas. Son père était un haut fonctionnaire de l’Etat et sa mère est décédée alors qu’il était encore petit. Il a été au lycée à Afyon, à l’ouest. L’influence de ses professeurs et de ses amis, eux aussi poètes, a été formatrice et décisive. Il a publié son premier poème en 1940 dans une revue d’Istanbul. Il lisait beaucoup du Nazım hikmet, Ahmet Hamdi Tanpınar, Cahit Külebi…
Il n’a été que peu influencé par le mouvement du Garip (Etrange)alors à la mode chez les jeunes poètes, cependant il est proche de ce mouvement dans sa volonté d’être compréhensible pour tous . Le Garip c’était une poésie à la Prévert, d’un langage du quotidien, sans lyrisme, une prose poétique pleine d’humour. Ahmed Arif a très tôt trouvé sa voix personnelle, assimilant les leçons de ses grands prédécesseurs comme Nazım Hikmet tout en s’en éloignant pour rester original.
Apres avoir terminé son lycée en 1947-48, il continue ses études à la Faculté de Langue et d’Histoire à Ankara, mais ses études sont interrompues en 1951 par une première arrestation à cause d’un de ses poèmes nommé « 33 balles », longue complainte relatant l’assassinat par des gendarmes de 33 contrebandiers à l’est de la Turquie. Il fut mis en prison et torturé. Dans ce poème, il fait parler un des contrebandiers tués.
Après sa sortie de prison, il ne poursuivit pas ses études supérieures. D’ailleurs, peu de temps après, en 1952 il est de nouveau emprisonné. Il avait écrit un poème sur un communiste italien Togliatti battu et emprisonné par les fascistes. Quelqu’un lui a volé ce poème et l’a copié à 80 exemplaires. Il est arrêté sous le motif qu’il faisait passer ses poèmes pour faire de la propagande communiste. Il ressort en 1954. Les deux ans passés sous les barreaux l’ont durablement marqué, il a été torturé, toujours en cellule dans des conditions indescriptibles. Il a failli mourir par affaiblissement et a même tenté de se suicider après l’annonce du décès de son père. Il n’a pu ni le revoir avant sa mort ni aller à ses funérailles. Depuis lors, contraint au silence, il n’a plus écrit de poème, restant retiré du monde littéraire. Pour gagner sa vie, il a travaillé pour des journaux. Enfin, en 1968, il publie ses poèmes écrits dans les années 40-50 en recueil « J’en ai usé des fers en ton absence » qui a immédiatement un immense succès. C’est le seul recueil de poésie que l’on a vu réédité 3 fois par an. Nous en sommes à plus de 54 rééditions. Ce recueil a fait sensation par ses particularités de poète du peuple, par l’utilisation de tournures familières, populaires et dialectales qui ne font pas perdre leur importance au rythme et à la musicalité des poèmes. Une poésie orale, à pouvoir réciter.
Pour écouter ses poèmes avec la voix originale du poète, cliquez ici
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